Dans la société globalisée, l’émergence des cimetières virtuels ne représente pas seulement un moyen fascinant de transcender les limitations physiques des sépultures traditionnelles et de commémorer ou d’honorer nos défunts, mais aussi de nouvelles opportunités d’emplois.
Qu’est-ce qu’un cimetière virtuel ?
Un cimetière virtuel est un environnement en ligne où les individus peuvent créer des mémoriaux numériques pour leurs proches décédés. Contrairement aux cimetières traditionnels, qui sont des lieux physiques, les cimetières virtuels existent sur Internet, offrant une accessibilité mondiale à quiconque souhaite rendre hommage à un être cher. Ces espaces numériques permettent aux utilisateurs de partager des souvenirs, des photos, des vidéos, et même d’interagir avec des représentations numériques de leurs proches disparus.
L’IAg redonne vie au mort dans les cimetières virtuels
L’une des technologies clés qui alimentent l’évolution des cimetières virtuels est l’Intelligence Artificielle générative (IAg). Cette forme d’IA est capable de créer du contenu par des systèmes informatiques, imitant parfois le style et le comportement humains. Dans le contexte des cimetières virtuels, l’IAg est utilisée pour recréer des avatars numériques des défunts, permettant aux visiteurs de dialoguer virtuellement avec eux ou de les voir évoluer dans des environnements numériques spécialement conçus. À Beijing, en Chine par exemple, de vastes salles dans des immeubles où les urnes sont chacune déposées dans un compartiment dédié servent de « cybercimetières » aux côtés d’autres casiers funéraires. Sur la porte du coffre, un écran diffuse des photos et vidéos qui se réfèrent à la personne disparue. Lorsque les proches viennent visiter leur défunt, les écrans de tous les casiers s’allument pour déployer ces images et créer un espace immersif et personnalisé.
Ce dispositif permet de combler le vide laissé par un être cher disparu en échangeant avec un avatar interactif. À partir d’une seule photo et en 5 minutes, on peut voir l’avatar d’une personne. Et en quelques mois lorsqu’il aurait intégré la personne dans le système d’intelligence artificielle, l’interaction avec l’avatar devient possible. Un système d’interaction intelligent est fait pour créer une personne virtuelle et une base de données sur elle. Lorsqu’on va poser une question, cela déclenchera un mot-clé et elle pourra répondre comme la personne disparue. Pour reproduire au mieux l’esprit et la voix d’un disparu, il est nécessaire de fournir un maximum de données : historique des conversations e-mail, notes vocales…
En Chine par exemple, les cimetières virtuels semblent être en plein essor. Ceux-ci diffusent les discours des personnes disparues pendant leurs obsèques ou par le biais de l’interaction avec les hologrammes des défunts ; ce qui constitue des plongées virtuelles dans les univers de ces proches disparus. Ce fut le cas lors du décès d’un célèbre médecin. Autant de gadgets proposés par monsieur TANG Yang, directeur de la numérisation de Fu Shou Yuan International Group Ltd, qui entend révolutionner le secteur du funéraire.
Dans les cimetières intelligents, des hommages en 3D sont possibles et une clé électronique peut être remise à la famille. Une fois la clé insérée, on entre dans l’espace numérique dédié au mort comprenant des photos, des images, des messages, des histoires avec la possibilité de faire de l’offrande virtuelle en envoyant même de l’encens via un smartphone.
Selon TANG Yang, en Chine, près de 30 % des clients de la société funéraire Fu Shou Yuan, souhaiteraient bénéficier d’obsèques digitalisées.
Une renaissance numérique transformée en business florissant
Pour faire vivre les cimetières virtuels en Chine, chaque jour, 500 salariés de Fu Shou Yuan International Group Ltd s’emploient à transposer les données des défunts dans un monde virtuel. Dans un pays où les religions sont à peine tolérées, « faire renaître les morts » en pixel n’a rien de choquant même lorsque certains entrepreneurs proposent la solution ultime en dissimulant le deuil ou le décès d’une personne. Le principe, c’est de se faire passer pour le défunt en appel vidéo à l’aide de la technologie du deepfake.
Pour ZHANG WEI, fondateur de l’entreprise de DEEPFAKE ‘‘JINGJIANG DONGXILIANGPIN’’, il existe une vraie demande dans le domaine et un potentiel économique. Son entreprise revendique 200 clients.
L’avènement des cimetières virtuels ouvre également de nouvelles perspectives professionnelles à travers de nouveaux corps de métiers. C’est le cas des développeurs d’IA pour cimetières virtuels (chargés de concevoir et de programmer les algorithmes nécessaires pour créer des avatars numériques réalistes et interactifs des personnes décédées), des psychologues en ligne spécialisés dans le deuil, des concepteurs d’expériences utilisateurs pour cimetières virtuels (spécialisés en création d’interfaces conviviales et empathiques, garantissant une expérience utilisateur positive et réconfortante pour ceux qui visitent les cimetières virtuels), des gestionnaires de contenu numérique ou des spécialistes en modélisation 3D responsables de la création des environnements virtuels, allant des décors paisibles aux scènes de vie familières.
Préoccupations éthiques et techniques
Bien que prometteurs, les cimetières virtuels soulèvent des questions importantes liées à l’éthique :
- Quels sont les droits associés à ces avatars numériques ? Comment garantir le respect et la dignité des défunts ?
- Quel est l’âge requis pour avoir accès à ces contenus quand on sait qu’ils peuvent poser un problème psychologique ou un traumatisme chez les enfants ?
Il est donc crucial de trouver un équilibre entre innovation technologique et respect des valeurs culturelles et morales. L’utilisation de l’IAg dans les cimetières virtuels nécessite des algorithmes sophistiqués et une grande quantité de données des personnes disparues pour créer des avatars crédibles. Les données pour créer ces avatars dans les cimetières virtuels proviennent de photographies personnelles des défunts fournies par les familles, d’images publiques sur les réseaux sociaux (avec consentement), et de scans 3D produits par l’entreprise. Elles incluent également des données biométriques et anthropométriques ainsi que des descriptions textuelles et vidéos des proches.
Ces données sont stockées de manière sécurisée sur des serveurs locaux, des services de cloud computing, et dans des datacenters certifiés. Le processus consiste à les héberger sur divers sites tout en améliorant l’évolutivité ainsi que la fiabilité des systèmes d’IAg. Quand la demande devient très forte, l’entreprise a la possibilité de répartir les données sur une multitude de points de stockage en veillant à répliquer les données considérées comme les plus critiques, à l’instar des photographies personnelles et scans 3D des défunts comme susmentionné.
De plus, il est essentiel de garantir la sécurité et la confidentialité des informations personnelles des défunts en cryptant impérativement les interactions entre l’IA et les applications métiers. Ces interactions sont tenues d’être authentifiées et l’on doit recourir à des protocoles sécurisés. En outre, il est impérieux de mettre en œuvre une journalisation des activités et de toujours vérifier les autorisations d’accès. Ces données sont protégées par des pare-feu, des systèmes de détection d’intrusion, des contrôles d’accès stricts ainsi que le cryptage. L’accès est strictement réservé aux personnes autorisées et les organisations doivent se conformer à des régulations comme le RGPD, impliquant des audits réguliers pour assurer leur sécurité et leur confidentialité. Et des copies de sauvegarde sécurisées sont maintenues pour la récupération en cas de perte.
L’avènement des cimetières virtuels à l’ère de l’IAg marque une nouvelle étape dans notre relation avec la mort et le souvenir. Bien que porteurs d’espoirs et d’opportunités, les cimetières virtuels soulèvent également des défis éthiques et techniques majeurs à relever.
Bibliographie
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- Qu’est-ce que l’IA générative et quelles sont ses applications ? (s. d.). Google Cloud. Consulté 28 février 2024, à l’adresse https://cloud.google.com/use-cases/generative-ai/