A l’heure de la transition numérique, nouveau défi environnemental pour les entreprises : Comment prendre le tournant de la transition écologique en « veillant » à sa pollution numérique ?
Dénoncées depuis 2009 par l’ONG Greenpeace [1], les grandes entreprises du Web (Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft…) détiennent des taux records de pollution environnementale. Une pollution due à leur consommation d’énergies, notamment d’énergies fossiles et par conséquent à leurs émissions de gaz à effet de serre, qui inquiètent. La prise de conscience de l’impact environnemental du numérique augmente avec la taille des clouds et des data centers, le poids des big data et du réseau Internet et le nombre de terminaux électroniques et d’utilisateurs.
Dans ce contexte, ce sont tous les matériels numériques et tous les usages digitaux [2] qui contribuent au réchauffement climatique. Ainsi, l’empreinte carbone [3] des grandes et petites entreprises est impactée par leurs politiques et leurs pratiques numériques.
Comment peuvent réagir les entreprises françaises face à ce nouveau défi : réduire leur empreinte carbone et leur consommation énergétique en se positionnant pertinemment entre transition numérique et transition écologique ?
Alors que la majorité des associations environnementales ne recensent pas encore la pollution numérique [4], le secteur du numérique est responsable aujourd’hui de 16% [5] des émissions mondiales de gaz à effet de serre, soit autant que le secteur de l’aviation civile. La mobilisation a pourtant déjà commencé. L’association d’experts de la technologie verte, GreenIT.fr [6] a mené une étude [7] auprès de 24 entreprises françaises [8] pour mesurer l’impact de l’usage des TIC sur l’environnement. Ainsi à partir de l’analyse et de la mesure des pratiques en entreprise, leurs recommandations s’orientent vers une gouvernance plus écologique du système d’information qui renvoie aux objectifs de la veille environnementale déjà majoritairement intégrée et normalisée dans les entreprises. La veille environnementale permet en effet de joindre les avantages du développement durable à ceux de la maîtrise de l’information. C’est dans cette même direction selon GreenIT.fr que devront s’orienter les transitions numérique et écologique.
L’intégration des préoccupations sociales et environnementales au sein des objectifs économiques de l’entreprise se fait par l’exercice de la RSE : responsabilité sociétale et environnementale. Autre donnée disponible pour résoudre cette équation, l’intelligence économique mais celle-ci peut-elle se mettre au service de l’environnement ? L’intelligence économique, définie par Gabriel Colletis [9], correspond à la capacité d’une entreprise à combiner réseaux d’informations et compétences d’analyses pour résoudre un problème inédit.
Comment rester alors performant voire plus innovant tout en réduisant sa pollution numérique ?
Source : DoDo PHANTHAMALY de Pexels
C’est tout l’enjeu de la RSE. Apparue à la fin du 19ème siècle et conceptualisée par Caroll [10] en 1979, la RSE est la mise en pratique de valeurs dans une démarche proactive. C’est un réel levier stratégique. D’ailleurs, elle est normalisée dès 1996 par l’International Standard Organisation. Pour déployer et faire évoluer sa RSE, l’entreprise s’appuie sur une veille environnementale. L’environnement est d’une part, un secteur réglementé et évolutif. D’autre part, depuis 2017, les grandes entreprises [11] sont soumises à un devoir de vigilance [12] de leur pollution et doivent donc surveiller les nouvelles technologies, réglementations, dispositifs de mesure d’impacts pour y répondre en plus de publier leur bilan environnemental.
À la disposition des entreprises : Des sources de veille abondantes : sites spécialisés et réseaux sociaux notamment orientés RSE et développement durable, blogs, revues et journaux, sites d’actualités environnementales, institutionnelles et législatives, sites militants pour un numérique respectueux, publications (livre blanc, rapport), actualités technologiques axées Green IT : éco conception, informatique verte, recyclage, clean&low tech, sobriété numérique. Peu d’instruments d’évaluation ou indicateurs de mesure, on peut recenser des services comme :
Un outil systémique RSE : le Système de management de l’environnement (SME) définit par la norme Iso 14001 [20] s’adresse à tous types et tailles d’organismes et adopte une perspective holistique de l’activité de l’entreprise pour déterminer son impact environnemental à traduire par des mesures concrètes. Par exemple, chez Orange [21]. L’exemple d’Orange qui a obtenu la certification 14001 pour plus de de la moitié de l’activité mondiale du groupe en 2017 : Pour réduire de 6% son empreinte carbone, Orange a mis en place un Système de management de l’environnement pour diminuer sa consommation énergétique grâce à :
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Les enjeux sont de taille pour les entreprises qui ne se saisissent pas de ce défi environnemental et technologique. Socialement, la diminution de l’empreinte carbone contribue à l’image positive de la société et suit un modèle économiquement viable pour le futur. Car les dispositifs gouvernementaux de taxation* (carbone [22], GAFAM [23]) des entreprises pollueuses seront amenés de par les engagements et objectifs internationaux à se renforcer.
Par ailleurs, au niveau institutionnel voire législatif, les entreprises sont encouragées et accompagnées par d’autres dispositifs (Greentechverte France [24], Ordi3.0 [25]) pour s’engager dans la voie de la technologie respectueuse de l’environnement. Il est probable que les prochains plans liés à la transition numérique [26] et à la transition écologique [27] incluent l’impact environnemental du numérique. Par exemple, la transposition récente des exigences européennes avec la Règlementation générale de protection des données (RGPD [28]) va dans le sens d’une économie des données à stocker par les entreprises. En effet, les entreprises sont désormais tenues de supprimer les données personnelles lorsqu’elles ne sont plus nécessaires. Elles sont également encouragées à ne recueillir que les données nécessaires et à les tenir à jour.
[1]↑ Rapport annuel de la pollution numérique des entreprises du Web : www.greenpeace.org/usa/global-warming/click-clean/
[2]↑ Usages digitaux : usages individuels du numérique
[3]↑ Empreinte carbone : mesure du volume de dioxyde de carbone (CO2) émis par combustion d’énergies fossiles, par les entreprises.
[4]↑ La pollution numérique est la pollution qui découle de l’usage du numérique. Elle se mesure généralement par les émissions de gaz à effet de serre (CO2) dues aux énergies fossiles et par la consommation électrique, la consommation d’eau douce, les conséquences de l’usage de métaux rares dans la fabrication des terminaux, les conséquences du transport et du non recyclage des déchets électroniques pour la terre et les hommes.
[5]↑ Arcéos, Comment lutter contre la pollution numérique (en entreprise) du 08/02/2019 : http://www.arceos.fr/lutter-contre-la-pollution-numerique/
[6]↑ GreenIT.fr : Site d’experts de la pollution numérique mené par Frédéric Bordage : https://www.greenit.fr/
[7]↑ Étude pollution numérique d’entreprises françaises volontaires par GreenIt.fr : https://www.greenit.fr/2018/10/11/wegreenit-quantifie-empreinte-numerique/
[8]↑ Les 24 entreprises de l’étude : Groupe ADP, I-Caisse des dépôts et consignations, Cdiscount, Dell, Econocom, Edenred, Enedis, ENGIE – Gaz Tarif Réglementé, Gemalto, IT-CE / I-BP / BPCE-IT, Lactalis, La Poste, Leroy Merlin, Maif, Natixis, Pôle Emploi, RTE, Schneider Electric, Scor, SNCF, Société Générale, Solocal, Ubisoft, Worldline (Atos Group).
[9]↑ Définition Intelligence économique par Gabriel Colletis, Professeur de sciences économiques. Université de Toulouse 1: « L’intelligence économique peut, au niveau d’une entreprise particulière se définir comme sa capacité à combiner efficacement les réseaux et compétences extérieures en vue de résoudre un problème productif inédit. »
[10]↑ Aux origines de la RSE : Corporate Social Responsibility définie par Archie B. Carroll, Professeur de management, Université Georgia
[11]↑ Devoir de vigilance : https://www.novethic.fr/lexique/detail/devoir-de-vigilance.html
[12]↑ Devoir de vigilance des entreprises : https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000034290626&categorieLien=id
[13]↑ Audit et formation par Ecoinfo, groupe de chercheurs du CNRS : https://ecoinfo.cnrs.fr/les-services-ecoinfo/13[1] Audit de data centers par Alliance Green IT
[14]↑ Logiciel Greenspector : https://greenspector.com/fr/
[15]↑ Services Alliance GreenIT : alliancegreenit.org/
[16]↑ Carbone 4 : Cabinet conseil spécialisé en bilan carbone d’entreprise : www.carbone4.com/
[17]↑ Évaluation performance environnementale site web par Web Energy Archive : https://wea.greencodelab.org/
[18]↑ Évaluation performance environnementale site web par GreenIT.fr : www.ecoindex.fr/
[19]↑ Norme Iso 14001 : https://www.iso.org/files/live/sites/isoorg/files/archive/pdf/fr/introduction_to_iso_14001_fr_ld.pdf
rév. 2015, 14006, 14004,, 26000 de 2010
[20]↑ Mise en place Système de management de l’environnement chez Orange : https://e-rse.net/transformation-numerique-transition-ecologique-pas-antinomiques-orange-271682/#gs.1c3dgt
[21]↑ Taxe carbone : https://e-rse.net/taxe-carbone-definition/
[22]↑ Votation le 9/04/2019 de la taxe Gafam en France : https://www.france24.com/fr/20190409-france-assemblee-nationale-vote-taxe-gafa-opposition-washington
[23]↑ Greentechverte : accompagnement ministériel de starts-up : greentechverte.fr/
[24]↑ Ordi3.0 : plateforme de collecte, reconditionnement et recyclage du matériel informatique : www.ordi3-0.fr/
[25]↑ Transition numérique en France : https://www.francenum.gouv.fr/
[26]↑ La transition écologique en France passe par l’énergie : https://www.gouvernement.fr/action/la-transition-energetique-pour-la-croissance-verte
[27]↑ RGPD : https://rgpdfrance.com/
[28]↑ NF environnement : marque-nf.com/nf-environnement/